Commerce de bois illégal: vers plus de réglementation?


Commerce de bois illégal: vers plus de réglementation?


Un article de Sabine Casalonga dans le Journal de l’ Environnement


A deux semaines
du vote du Parlement européen, le 24 avril, sur le projet de règlement
visant à interdire l’importation de bois illégal, plusieurs ONG (1)
appellent les eurodéputés et le gouvernement français à renforcer un
texte jugé lacunaire et permettre une traçabilité réelle des produits.

Près de 19% des importations de bois en Europe -soit près de 27
millions de mètres cube par an- seraient d’origine illégale, a indiqué
le WWF lors d’un point presse organisé jeudi 9 avril. La France, au 6e
rang des importateurs de bois illégal dans l’UE, importerait 39% de
bois tropicaux illégaux. Or, cette exploitation illégale contribue à la
déforestation et a des impacts néfastes sur la biodiversité, le climat
-via l’augmentation des émissions de CO2- et les conditions de vie des
populations locales. Cette activité représenterait de surcroît une
perte de plus de 15 milliards de dollars par an pour les pays
forestiers, selon la Banque mondiale. «La notion d’exploitation
illégale englobe des situations variées, de l’absence d’autorisation
administrative de l’Etat au non respect des obligations
environnementales, sociales et économiques (paiement de taxes)»,
explique Bernard Cressens, directeur des programmes au WWF-France. Le
bois illégal importé en Europe proviendrait à 40% d’Asie du
Sud-Est(Indonésie notamment), entre 36 à 56% d’Afrique, à 32% de Chine
et à 23% d’Europe de l’Est (Russie). L’exportation de produits déjà
transformés (papier, meubles) qui représenteraient 90% des bois
illégaux importés en Europe pose également un problème majeur.

Or,
le consommateur n’est pas en mesure de connaître le pays d’origine des
produits qu’il achète ni d’établir un choix en fonction de critères de
développement durable à cause d’un pourcentage très faible de bois
labelisés. «Une réglementation est nécessaire pour favoriser un
commerce durable et responsable», estime Jean Bakouma, responsable du
réseau forêt et commerce de WWF France. Le plan d’actions pour la mise
en oeuvre de la loi forestière, gouvernance et commerce (FLEGT : Forest
Law enforcement governance and trade) mis en place par l’UE en 2003 a
constitué une première réponse à ce phénomène. Insuffisante toutefois
car uniquement basée sur des accords volontaires de partenariat entre
les pays producteurs et l’UE.

Grâce au lobbying des ONG, le
projet de règlement sur l’exploitation illégale du bois, sur lequel le
Parlement européen devra se prononcer le 24 avril, a été proposé par la
Commission européenne en octobre 2008. Il s’appuie sur le concept de
«diligence raisonnable» (2) qui implique que les entreprises mettent en
place un système de contrôle interne pour vérifier l’origine légale de
leurs bois importés. «Ce système n’oblige pas la mise en place d’une
chaîne de traçabilité complète (…) et n’instaure pas de mécanisme de
contrôle permettant un suivi indépendant et crédible», déplore FNE dans
un communiqué du 9 avril.

Les ONG (1) jugent en effet ce projet trop peu ambitieux et ont
transmis aux eurodéputés français une série de recommandations visant à
renforcer le texte, notamment en instaurant la traçabilité jusqu’au
consommateur, la garantie de l’indépendance des auditeurs et
l’harmonisation des sanctions au niveau européen. «Selon le projet
actuel, un douanier ne serait pas autorisé à saisir du bois d’origine
illégale», critique Alain Lipietz, eurodéputé Vert français. Emmanuelle
Neyroumande, responsable du pôle forêt du WWF-France explique que les
ONG souhaitent que «l’importation et le recel de bois illégal soient
reconnus comme fraude et qu’un niveau de sanction dissuasif soit ajouté
pour éviter le contournement de la loi». Les ONG demandent que le texte
s’applique à l’ensemble des acteurs et non pas seulement au premier
importateur ou revendeur sur le marché européen et que l’exemption pour
certains produits dérivés (emballages, bois-énergie) soit supprimée. La
plupart de ces amendements ont été adoptés par la Commission
environnement du Parlement le 17 février. Les ONG appellent les
eurodéputés à soutenir ces modifications lors du vote en assemblée
plénière. Certaines entreprises, à l’instar de Castorama et Rougier,
partenaires du WWF, soutiennent d’ailleurs le projet de réglementation
afin de lutter contre la concurrence déloyale.

Ensuite, c’est le
conseil des ministres de l’agriculture qui devra voter le texte les 22
et 23 juin. Le WWF appelle le gouvernement français «qui s’est (…)
engagé pour la lutte contre le commerce du bois d’origine illégale lors
du Grenelle de l’Environnement», à soutenir les amendements des ONG.
Certains prévoient cependant un désaccord entre les Etats membres. «En
cas de différend entre Parlement et Conseil, la décision risque d’être
repoussée à l’automne lors d’un vote en 2e lecture», prévient Alain
Lipietz. Reste que l’exploitation légale des forêts, indispensable
préalable à une gestion durable ne sera pas suffisante en raison des
réglementations sociales et environnementales peu contraignantes,
rappelle le WWF.

(1) WWF, Greenpeace,les Amis de la Terre et France nature environnement (FNE)
(2)
Il s’agit du devoir de mettre en œuvre tous les moyens raisonnablement
possibles pour s’assurer de l’origine légale du bois (WWF)

Cet article, publié dans Non classé, est tagué . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Laisser un commentaire